vendredi 20 juin 2014

Le célibataire vit un face-à-face quotidien avec lui-même. Est-il possible de s’épanouir et d’exister pleinement sans cette référence à l’âme sœur qui structure habituellement le socle familial ?
 
Ce n’est pas un scoop : là où autrefois on épousait pour la vie, pour des raisons économiques, religieuses, sécuritaires parmi d’autres valeurs traditionnelles, maintenant on épouse – ou plutôt on se lie – surtout pour aimer et être aimé. Un socle qui repose davantage sur des sables mouvants, car le couple à la base de la famille nucléaire est sujet à bien des remaniements selon l’évolution des affinités. Si d’aucuns tiennent encore la barre d’un engagement foncier contre vents et marées, d’autres par contre cherchent l’épanouissement personnel devenu la référence ultime. Dans ces conditions, le nombre de célibataires ne cesse d’augmenter. Mais, le couple restant encore la norme dominante, il faut pouvoir assumer la vie en solo et la représentation sociale du célibataire...

Nouvelle culture du célibat
On se lance aujourd’hui plus tard dans le couple, et avec des attentes précises et idéales, voire irréalistes. Comme les unions sont plus précaires, les périodes de célibat touchent finalement beaucoup de gens. Démographiquement, il y a plus de femmes qui se retrouvent seules. Et ce sont majoritairement elles qui demandent la séparation ou le divorce. Jeunes, elles prennent le temps de faire des études et favorisent leur vie professionnelle d’abord. Plus avancées dans la vie, elles sont nombreuses à redéfinir leurs choix et beaucoup d’entre elles sont sorties de leurs illusions concernant les bénéfices d’une union.

Les conditions d’émancipation leur permettant à présent de jouir d’une plus grande autonomie, elles deviennent de plus en plus exigeantes, ne souhaitant plus assumer les contraintes d’une vie de couple ordinaire à n’importe quel prix. Elles vivent autrement, développent leur réseau social, des intérêts culturels, des sorties entre copines solidaires. Elles se construisent – ou se reconstruisent –, découvrent enfin peu à peu leurs goûts, leurs aspirations alors que leur éducation les avait traditionnellement portées à se mettre au service des autres sans finalement vraiment savoir ce qu’elles voulaient personnellement. Certaines d’entres elles tournent franchement le dos au couple installé car l’ombre de l’asservissement pèse trop lourdement sur leur désir de partage. Le sociologue français Jean-Claude Kaufmann confirme : « Il est rare que la vie en solo soit délibérément recherchée. Pourtant un nombre grandissant de ceux qui la vivent ne souhaitent plus en sortir (au moins pour une période), ou deviennent exigeants sur les conditions d’une sortie. » Nous sommes face à l’émergence d’une nouvelle culture du célibat. Auparavant on pointait du doigt les laissé(e)s-pour-compte, incasables, mauvais caractères, vieux garçons et vieilles filles... Les femmes seules en particulier portaient la honte, elles n’avaient pas réussi à s’attacher un mari mais, à notre époque, c’est devenu une option, celle de choisir sa solitude.

La solitude existentielle

Mais il y a aussi des solitudes subies : divorce, veuvage, vieillesse ou périodes de chômage ou de maladie qui clouent la personne chez elle. Puis il y a des personnes qui, par des traits de personnalité ou l’évolution de leur vie, semblent avoir un profil davantage « couple » et d’autres un profil « célibataire ». Mais que ce soit pour vivre seul au long cours ou lors de passages entre deux relations, ou que ce soit dans le cadre d’une relation amoureuse, pouvoir assumer une dose de solitude est nécessaire. C’est ce qui permet aux partenaires de vivre les phases d’une relation sans vouloir absolument s’accrocher à l’autre dans une fusion qui, a terme, étouffe les individualités et fige la dynamique du couple. C’est aussi ce qui permet de se ressourcer à l’intérieur de soi, de contacter ses profondeurs, de faire ses choix de manière individuée et centrée.

Pour les nouveaux célibataires cela peut être angoissant. Comme le développe Marie-France Hirigoyen, nos éducations nous y portent rarement, il s’agit au fond d’apprendre à supporter un certain vide, se prendre soi-même par la main et vivre cette rencontre intérieure, ce face-à-face avec soi, prélude à une certaine maturité affective. Parfois, bien sûr il faut aussi chercher du côté des difficultés individuelles si l’on veut comprendre ce qui fait obstacle à une vie à deux.

Une histoire à décoder

Notre histoire de vie, la manière dont on s’est construit affectivement et relationnellement dépend en premier lieu de nos schémas familiaux. Il peut être salutaire de faire le point à ce sujet pour comprendre où le bât – éventuellement – blesse.

François par exemple n’a pas eu de père et est resté bien trop proche de sa mère. Il n’ose pas la lâcher, il lui a fallu tout un décodage pour parvenir à comprendre que c’est cela qui l’empêchait de construire une relation digne de ce nom. C’est aussi le cas d’Emilie qui a vu sa mère se débattre dans des relations d’emprise avec plusieurs hommes : elle-même a reproduit des histoires similaires puis s’est fermée, désormais incapable de faire confiance et s’ouvrir à l’amour d’un partenaire. Comme Justine aussi qui n’a pas pu trouver sa place dans sa famille d’origine, elle court d’échec en échec avec toujours ce même sentiment persistant. Il est utile de se diriger vers un thérapeute dans ce cas, histoire de sortir d’un parcours de répétition et pouvoir choisir un partenaire avec discernement sur de bonnes bases et pour de bonnes raisons. Mieux vaut comprendre également l’état d’esprit dans lequel on est, préalable à toute rencontre possible. Parce qu’à force de vivre pour soi et juste soi, la vie est finalement sous contrôle ; or laisser l’autre entrer, c’est s’ouvrir à l’inconnu et prendre aussi le risque d’être déstabilisé. Plus question de maîtrise absolue ! En outre, plus le temps passe, plus il devient difficile de recomposer avec un autre au quotidien. Ils peuvent être aux prises avec des désirs contradictoires.

La force de se fréquenter soi-même
Faut-il se réjouir, comme la psychanalyste Marie-France Hirigoyen, que notre époque incite peu à peu à une vision positive de la solitude par la richesse qu’elle procure en liberté, créativité et fréquentation de soi-même ? Ou plutôt craindre avec le sociologue Jean-Claude Kaufmann, le repli sur soi et l’isolement ? Pour lui, le cœur du phénomène est social : l’essor de l’individualisme, de l’épanouissement personnel et du bien-être à tout prix est en train de créer des êtres solitaires. En tout cas, les célibataires sont de plus en plus présents, surtout dans les villes. Ils commencent à être regardés autrement. S’ils agrandissent leur capacité à être seuls et ne se replient pas dans l’amertume, ils peuvent s’ouvrir paradoxalement à l’amour. L’individualité assumée apporte une force. Faire de sa solitude une compagne appréciée présage d’une belle disponibilité : soit à soi-même et à toutes les opportunités qu’offre la vie, soit à une qualité de rencontre, alors moins centrée sur les manques affectifs, avec une plus grande liberté intérieure.
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